BLOC BLANC
par Chou blanc
« Les anges n’ont pas de sexe, puisqu’ils sont éternels . »
Auguste Comte (Catéchisme Positiviste)
« Les anges ont eux aussi leurs diables, et les diables leurs anges. »
Stanislaw Jerzy Lec (Nouvelles Pensées échevelées)
Censure intégriste à Montauban
A l’excellente exposition Ingres et les modernes, organisée au musée de Montauban,( en juillet 2009) une poignée d’intégristes catholiques vient d’opposer sa version, qui pourrait s’intituler Ingres et les archaïques et, plus surement encore, Ingres et les imbéciles. Comme je l’avais déjà souligné dans ces colonnes, l’intégrisme religieux se nourrit d’inculture, et la fratrie (un frère et deux soeurs) qui a saccagé dimanche dernier une oeuvre du peintre Ernest Pignon-Ernest vient d’en administrer une preuve tout à fait édifiante.
L’exposition, dont je donnerai un compte rendu dans ma prochaine chronique, s’attache avec talent à mettre en parallèle une vingtaine de toiles célèbres du maître et des oeuvres modernes et contemporaines qui en sont directement inspirées. Détournements et interprétations libres en font naturellement partie. La municipalité de Montauban s’honore de s’impliquer dans cet événement jusque dans les rues de la ville, afin que l’art soit mis à disposition du plus grand nombre. Les bus sont ainsi décorés d’une célèbre affiche des Guerrilla Girls qui reprend la Grande odalisque. Autre oeuvre majeure, La Source, a inspiré au graphiste Invader une mosaïque, rue du Tescou.
Partant d’un dessin d’Ingres une étude d’anges pour le Voeu de Louis XIII (1822-1824) Ernest Pignon-Ernest a choisi d’apposer sur la façade de la cathédrale deux grands dessins représentant des anges. En conformité avec ce que suggère le dessin original d’Ingres, conservé au musée de Montauban, l’artiste a donné aux anges un sexe, et un sexe féminin. Ce détail a suffi pour provoquer lire pudibonde de trois catholiques intégristes qui ne sont plus des gamins, puisqu’âgés de 23 à 28 ans. Ces derniers se sont donc adressés à l’évêché, puis à la mairie, pour dénoncer « l’impudeur » de l’oeuvre. Devant l’absence de réaction de ces deux institutions (aucun autre fidèle ne s’était a priori plaint et la mairie avait reçu l’aval préalable de l’évêché), ils ont résolu de rendre eux-mêmes « décents » ces dessins lors d’une expédition nocturne, et de coller du papier journal sur ces sexes que l’on ne saurait voir. L’acte de censure fut heureusement interrompu par la police, mais l’un des anges n’en a pas moins été mutilé.
« Je m’interroge sur les fantasmes de ces jeunes gens. Où en sont-ils pour être troublés par de telles images ? Il y a un refus du corps qui m’étonne pour des jeunes. De plus, le catholicisme véhicule l’image d’un homme à demi-nu cloué sur une croix qui est bien plus violente », a réagi l’artiste, contacté par la Dépêche du Midi. En effet, on est en droit de s’interroger et, peut-être, de les plaindre.
SOURCE: Le monde .fr
Ce geste particulièrement imbécile nous replonge loin dans le temps, à la querelle concernant le sexe des anges qui fut tranchée (si lon peut dire
) lors d’un concile tenu à Byzance en 1453, alors même que les Turcs assiégeaient la ville.
De ce débat, d’apparence futile eu égard aux événements tragiques qui l’entouraient, vient l’expression « querelles byzantines ». Pour autant, ce concile ne manquait pas d’intérêt.
Un chapiteau de Sainte-Marie de Saint-Benoît-sur-Loire montre en effet un homme et une femme exhibant leurs sexes ; sous le manteau de l’église Saint-Martin de lIsle-Adam, on trouve une représentation de la Luxure sous forme dune caresse bucco-génitale ; un phallus érigé figure sur la stalle du choeur de la cathédrale de Salamanque. Les chapiteaux et tympans des églises des XIe et XIIe siècles qui jalonnent le chemin de Compostelle comportent de nombreuses représentations scabreuses où les sexes sont clairement apparents.