FLONFLON ADORE ….
Elle adore les résumés qui font croire aux autres
qu’elle a tout lu..!!!!
En lisant les Mémoires et récits de Frédéric Mistral, on est frappé par cette gracieuse légende, « les trois beaux moissonneurs »,
Voici la légende de Mistral.
« Les trois beaux moissonneurs »
Les froments, cette année-là, avaient mûri presque tous à la fois, courant le risque d’être hachés par une grêle, égrenés par le mistral ou brouïs par le brouillard, et les hommes, cette année-là, se trouvaient rares.
Et voilà qu’un fermier, un gros fermier avare, sur la porte de sa ferme était debout, inquiet, les bras croisés et dans l’attente.
« Non, je ne plaindrais pas, disait-il, un écu par jour, un bel écu et la nourriture, à qui viendrait se louer ».
Mais à ces mots le jour se lève et voici que trois hommes s’avancent vers le mas, trois robustes moissonneurs :
l’un à la barbe blonde, l’un à la barbe blanche, l’un à la barbe noire. L’aube les accompagnait en les auréolant.
— Maître, dit le capoulié (celui de la barbe blonde), Dieu vous donne le bonjour ; nous sommes trois gavots de la montagne, et nous avons appris que vous aviez du blé mûr, du blé en quantité : maître, si vous voulez nous donner de l’ouvrage, à la journée ou à la tâche, nous sommes prêts à travailler.
— Mes blés ne pressent guère, le maître répondit ; mais pourtant pour ne pas vous refuser l’ouvrage, je vous baille, si vous voulez, trente sous et la vie. C’est bien assez par le temps qui court.
Or, c’était le bon Dieu, saint Pierre avec saint Jean.
A l’approche des sept heures, le petit valet de la ferme vient, avec l’ânesse blanche, leur apporter le déjeuner, et de retour au mas :
— Valet, lui dit le maître, que font les moissonneurs ?
— Maître, je les trouvai, couchés sur le talus du champ, qui aiguisaient leurs faucilles ; mais ils n’avaient pas coupé un épi.
A l’approche des dix heures, le petit valet de la ferme vient, avec l’ânesse blanche, leur apporter le dîner, et de retour au mas :
— Valet, lui dit le maître, que font les moissonneurs ?
— Maître, je les trouvai, couchés sur le talus du champ, qui aiguisaient leurs faucilles ; mais ils n’avaient pas coupé un épi.
A l’approche des quatre heures, le petit valet de la ferme vient avec l’ânesse blanche leur apporter le goûter, et de retour au mas :
— Valet, lui dit le maître, que font les moissonneurs ?
— Maître, je les trouvai, couchés sur le talus du champ, qui aiguisaient leurs faucilles ; mais ils n’avaient pas coupé un épi.
— Ce sont là, dit le maître, ce sont de ces fainéants qui cherchent du travail et prient Dieu de n’en point trouver. Pourtant il faut aller voir.
Et cela dit, l’avare, pas à pas, vient à son champ, se cache dans un fossé et observe ses hommes.
Mais alors le bon Dieu fait ainsi à saint Pierre :
« Pierre, bats du feu. — J’y vais. Seigneur, répond saint Pierre ».
Et saint Pierre de sa veste tire la clé du paradis, applique à un caillou quelques fibres d’arbre creux et bat du feu avec la clé.
Puis le bon Dieu fait à saint Jean :
« Souffle, Jean ! — J’y vais, Seigneur, répond saint Jean ».
Et saint Jean souffle aussitôt les étincelles dans le blé avec sa bouche ; et d’une rive à l’autre un tourbillon de flamme, un gros nuage de fumée enveloppent le champ. Bientôt la flamme tombe, la fumée se dissipe, et mille gerbes tout à coup apparaissent, coupées comme il faut, comme il faut liées, et comme il faut aussi en gerbiers entassés. Et cela fait, le groupe remet aux carquois les faucilles et au mas lentement s’en revient pour souper, et tout en soupant :
— Maître, dit le chef des moissonneurs nous avons terminé le champ… demain pour moissonner, où voulez-vous que nous allions ?
— Capoulié, répondit le maître avaricieux, mes blés dont j’ai fait le tour, ne sont pas mûrs du reste. Voici votre payement ; je ne puis plus vous occuper.
Et alors les trois hommes, les trois beaux moissonneurs, disent au maître :
– Adieu !
Et chargeant leurs faucilles rengainées derrière le dos, s’en vont tranquilles en leur chemin :
Le bon Dieu au milieu, saint Pierre à droite, saint Jean à gauche, et les derniers rayons du soleil qui se couche les accompagnent au loin, au loin.
Le lendemain, le maître de grand matin se lève et joyeusement se dit en lui-même :
« N’importe ! j’ai gagné ma journée en allant épier ces trois hommes sorciers : maintenant j’en sais autant qu’eux ».
Et appelant ses deux valets, dont un avait nom Jean et l’autre Pierre, il les conduit à la plus grande des emblavures de la ferme.
Sitôt arrivés au champ, le maître dit à Pierre :
« Pierre, toi, bats du feu. — Maître, j’y vais, répliqua Pierre ».
Et Pierre de ses braies tire alors son couteau, applique à un silex quelques fibres d’arbre creux et le couteau bat du feu.
Mais le maître dit à Jean :
« Souffle Jean ! — Maître, j’y vais, répliqua Jean ».
Et Jean avec sa bouche souffle au blé les étincelles…
Aïe ! aïe ! aïe ! la flamme affolée, enveloppe la moisson ; les épis s’allument, les chaumes pétillent ; le grain se charbonne ; et penaud, l’exploiteur, quand la fumée s’est dissipée, ne voit, au lieu de gerbes, que braise et poussier noir…. !!!!
SOURCE :
On est frappé par un trait de ressemblance avec la légende du « chanvre et du feu » recueillie de la bouche des anciens, au sujet du bon saint Menoux.
http://www.france-pittoresque.com/spip.php?article1989