PHILOMÉNE est arrivé à sa retraite au milieu de nos potes âgés avec la volonté de planter des pensées….
Je vous parle pas des fleurs, mais des idées, qu’elle cultive sous le cerisier quand il fait trop chaud pour biner ….
Autour d’elle, quelques uns qui en avaient assez d’être au raz des pâquerettes, mais qui pour autant ne souhaitaient pas cultiver les pensées de Pascal…!
La Chouette, perchée sur le cerisier, les écoutant philosopher, c’est vite rendue compte que ça volait haut, et leur a demandé de rédiger une rubrique pour son blog …
Philomène mènera donc la danse de temps en temps avec pour partenaires des
philosophes grecs …. et avec eux l’éloquente et persuasive Sophie … qui compte bien faire un « malheur »…!
Attention, comme disait ma mère, c’est
parfois profond … !
Ne perdez pas le fil de Philomène…!
Prenez votre casque spéléo éclairant, cordes, et piolets pour … remonter….
Aujourd’hui la phrase de SÉNÈQUE:
« Il n’est pas de bon vent pour qui ne connaît pas son port »
De quoi parle le pote Sénéque dans cette citation…
– De notions de fin (le port)
– De moyens (le vent).
Certains interpréteront spontanément le port comme le port d’attache, le lieu d’origine, celui d’où l’on vient, d’où l’on part et qui fait référence au vécu, au passé ;
d’autres entendront d’emblée le port de destination, l’avenir, ce qui nous attend, ce vers quoi l’on se dirige.
D’autres encore feront remarquer que le port importe moins que le voyage.
D’autres enfin mettront l’accent sur la qualité du skipper sans lequel toute expédition serait vouée à l’échec.
En effet, existe-t-il un vent bon ou mauvais pour celui qui ne sait pas où il va ?
Tous les vents devraient se valoir dans ce cas, non ?
«Tentons de quitter les métaphores de la navigation» en proposant de réfléchir à la question :
« Faut-il se donner un projet, un but pour agir ? »
Là encore, les avis seront partagés. La question de savoir si ce que l’on décidait pour soi valait mieux que ce que le hasard aurait décidé pour nous.
Si l’on ne sait pas où l’on va, on s’expose à subir les événements.
Toutefois, le hasard fait parfois bien les choses, et les difficultés et les épreuves que nous avons à affronter sont souvent perçues comme des expériences salutaires.
Posons-nous la question…..? N’y a-t-il pas quelque chose de positif dans ce que l’on subit ?
Qu’est-ce qui motive une action, finalement ?.
Est-ce le but que l’on s’est donné ou autre chose ?
La curiosité, le désir ne forment-ils pas le ferment de l’action ?
Et puis, savons-nous vraiment ce que nous voulons faire, où nous voulons aller ?
Et quand on ne sait pas où l’on va, on s’abstient d’y aller, pourrait-on penser
« On a tous un seul et unique port, c’est la mort »
Donc se poserait le problème de la liberté : être libre de quoi faire, pour quoi faire et avec qui le faire ?
« Cette citation ne parle ni de la vie ni de la mort, mais de l’action », On ne comprend pas bien ce qui nous pousserait à rechercher le bon vent, c’est-à-dire celui qui nous mènerait plus vite au terme de notre vie.
Moi je vous le dis « Il n’y a ni bon vent ni vent mauvais en soi », chacun juge en fonction de ses propres critères, de ses propres repères. Il est ici question de valeurs et non d’action.
Nos valeurs nous permettent de nous sentir libres de naviguer à notre guise, de choisir le vent qui nous convient le mieux.
« Est-ce que tout ne démarre pas de l’estime de soi ? »
Ne s’agit-il pas d’ancrer en nous l’idée que nous pouvons toujours agir, toujours entreprendre, même si les vents sont contraires, si nous avons cette estime ?
De l’action aux valeurs, des valeurs à l’estime de soi, il me semble voir se dessiner une sorte de fil rouge.
Au fur et à mesure que l’analyse avance, la phrase de Sénèque se révèle plus féconde, plus riche, plus dense.
Le port symbolise-t-il l’origine ou le but à atteindre ?
L’expression « bon vent » sous-tend-elle une connotation morale, un intérêt personnel ou un savoir ?
De nombreuses interprétations peuvent être avancées, s’inspirant tantôt de la pensée socratique, tantôt de la pensée stoïcienne, tantôt des mythes homériques.
Celui qui ne se connaît pas lui-même ne saura pas s’orienter, c’est-à-dire faire les bons choix.
La nécessité d’une préparation minutieuse avant un départ est indispensable voir en cela le travail de préparation de l’acteur, du randonneur.
Mais au fond, l’estime de soi et la notion de bon vent sont-ils vraiment indispensables ?.
L’essentiel n’est-il pas dans la manière, dans la façon dont on se comporte face à l’adversité, dont on affronte les vents quels qu’ils soient.
Cette remarque aurait sans doute reçu les faveurs de Cyrano, lui qui pour rien au monde ne se serait départi de son panache.
SOURCE :
CAFÉ PHILO Marc Goldstein