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LES HÉRITIERS D’ONCLE TONI

les indiscretions du salon de coiffure  BLOC NOTE
de Chou Frisé

Je sais pas si vous êtes comme moi….. mais dans ma famille c’est au premier héritage que les relations se sont tendues puis distendues, au point de se rompre…….
C’est dans ces moments là, que votre frère de lait, devient très frère de laid et je dirais même cochon de lait….
La faute à qui….? Au petit cochon qui est parfois plus gros que prévu…….!!

Dans ce monologue, PERE GUISSET raille ses contemporains.   Les générations se suivent mais se ressemblent…….. surtout quand il s’agit de tuer le cochon….!

Héritiers ou héritières même combat…. mais on ne se mélange pas …!

LES HÉRITIERS D’ONCLE TONI (monologue)

 

Quand oncle Toni eut quatre-vingt-dix ans, Dieu lui pardonne,
ayant goûté ce qu’il y avait de mieux dans ce bas monde,
décida d’aller voir saint Pierre,
ses héritiers se dirent: « Bonne affaire ! »
C’est qu’il n’était pas mal loti, l’oncle Toni, tout bien pesé :
deux mas, trois maisons et pas mal de fermages…!
A son enterrement, personne ne manquait,
tout le monde était là, tous mouillaient leur mouchoir.
Il y avait tonton Pere, Xico, un mien cousin, et tante Sidonie,
mes cousines Rosa, Marta, Filomena et Marie,
Baptiste l’orgueilleux, mon oncle, le douanier,
tante Hortense, sa femme, née au Pas-de-Calais,
tante Eleonora, qui habite au Boulou
et qui ne se déplace qu’aux grandes occasions,
l’oncle Jacques, un rat, venu avec sa femme,
qui disait à Baptiste: « 
On est bien peu de chose, ici bas,
pas la peine de s’y faire du mauvais sang » .

 

Mais c’est tante Mena qu’on remarquait le plus :
elle criait et pleurait à vous fendre le cœoeur.
Son neveu Victor la traînait. Elle n’arrêtait pas
de crier: « Pauvre Toni, je ne t’oublierai pas, je te l’assure ».
Chacun savait qu’elle ne pouvait pas le blairer.
« Brave Toni », ajoutait Pere, le miséreux,
« Il avait un bon coeur et un fichu caractère ».
Jepe, cousin au moins au cinquième degré,
Renchérissait: « Un fichu caractère, je vous le dis. »
Il était bien placé pour le savoir car, figurez-vous,
ils en étaient venus aux mains, un jour,
et le brave Toni, malgré ses soixante-dix ans,
l’avait roué de coups de poing et de soufflets.
Bref tous pleuraient le mort, lui trouvaient des vertus.
On pensait:
« Tu nous laisses beaucoup, chacun aura sa part« .
Après l’enterrement, les héritiers au mas se retrouvèrent.
Une bonne douzaine, peut-être davantage !
On avait bien mangé: haricots, anchois et force oeufs durs.
C’était beau de nous voir ainsi, tous réunis !
« 
Y’a pas« , disait tante Hortensia, la femme au douanier,
qui était née, ai-je dit, au Pas-de-Calais,
« 
Y’a pas, disait-elle, c’est une belle famille, des gens gentils,
et je suis bien contente d’en faire partie ».

Tout s’était bien passé, c’est vrai :
l’oncle enterré, on fumait en attendant le café.
Qui donc mit le feu aux poudres ? Jamais je ne le sus.
On parla d’héritage, ce qu’il ne faut pas faire
dans. un moment pareil. C’est fait, c’est fait ! On n’y changera rien.
De telles discussions ce n’est pas bon à faire !
Plus on discutait et plus ça se gâtait.
Les esprits s’échauffaient.
Oncle Baptista voulait faire « des lots en toute impartialité« .
Le cousin Xico protesta qu’un triste douanier,
avec ou sans sa petite moitié, n’avaient pas à y mettre le nez :
s’il fallait faire des lots, « 
c’est lui qui s’en chargerait« .
Oncle Jacques douta qu’il sache se moucher,
et fit remarquer qu’il était le plus vieux et donc tout désigné.
Xico lui répondit mais je n’entendis rien,
sauf la claque sonore dont le gratifia l’oncle.
« Bien », fit tonton Pere, voyant les choses mal tourner,
« 
Ça ne servira à rien de discuter ? Et s’il y a un testament ?« 

Les femmes s’en mêlèrent, et ce ne fut pas mieux.
Le débat général devint si passionné
qu’on se traita de tous les noms d’oiseaux.
Cris et disputes, on lava en famille beaucoup de linge sale.
S’il l’avait vu, l’oncle Toni aurait bien ri.
On en entendit des vertes et des pas mûres. Quand on fut las
de crier, on passa tout à coup aux empoignades !
Ce fut un beau combat: je peux dire que pour bien digérer
on n’a pas encore inventé mieux !
Tante Carolina, de courage admirable,
avec son parapluie se frayait un passage.
L’oncle Baptista, vous savez, le douanier,
était un vrai boxeur, fallait voir.
Il y voyait mal, ce qui évita un carnage.
Tonton Pere, debout sur une chaise, les cheveux fous,
prêchait le calme et l’union, le respect de la mort.
Il parla trop longtemps, et il eut tort :
d’un coup de bouteille à la tête, Victor lui coupa le sifflet.
Que pouvait dire l’oncle, quand le mal était fait ?
Un oeil au beurre noir et tête nue, tante Sidonia courait :
sa perruque était pendue à une armoire.
Cousine Filomena, à genoux sous la table, cherchait son râtelier.
Cousin Xico ne se sentait pas bien, il était aveuglé.
Il avait sur le front une bosse de la taille d’un oeuf.
Il me regardait, souriait, se coucha sur le sol et s’endormit, content.

Comme ça avait démarré …tout c’est soudain arrêté
il n’y eut aucun mort , mais il s’en fallut de peu.
l’oncle jaume, s’en est sorti avec des béquilles et débraillé
l’oncle Batista, avec la tête cabossée
la tante Carolina y a laissé son parapluie et deux molaires.
la cousine Maria paraissait piquée des guêpes et des frelons
l’oncle Pere … le prédicateur,
est resté huit jours sans reconnaitre qui que ce soit
le cousin Xico, avec un coup à la tête qui ne l’a pas amélioré
la tanta Hortense… celle du Pas de Calais,
y est revenue, pleine d’orgueil, un œil fermé, griffée et boitant
au bras de l’oncle Batiste qui n’était pas plus brillant

Vous pouvez me croire, ils étaient pas brillants les héritiers de l’oncle Toni,
ils paraissaient tous sortis du four de Lucifer
Ils n’avaient rien réglé, mais ils avaient eu un grand plaisir
quand la vapeur est bien montée, croyez moi pour se détendre…!
rien de mieux que de s’échauffer les oreilles pour s’entendre
pour ma part la beigne que j’ai offerte à Batista, je peux l’avouer
il y avait des années que je la lui réservais
je pensais souvent, si un jour j’ai l’occasion tu me la paieras ….!
Le coup de parapluie que la tante m’assena
elle devait , de longue date me le réserver
Enfin tout dans un cours normal aller rentrer
car personne ne devait plus rien à personne
« y a pas » disait en boitant la tante du Pas de Calais
 »
avec une famille comme ça c’est un plaisir de s’expliquer « 

mais le plus poilant dans cette affaire…. savez vous ce c’est
c’est que nous qui nous étions étripés, et bien assaisonnés
nous avons été bien attrapés
quand nous avons su, mais un peu trop tard,
Que l’oncle Toni ce paillard
avait pris pour héritière
la Rosina, sa « fermière » ….!

PERE GUISSET

 

  – Vu ce que je vois…..!
C’est promis, je ne participerai pas à mon propre héritage….!

barre bleue

  Chou frisé


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